Un coup d'oeil sur les registres de la prison de Saint-Lazare à Paris dans les années 1870-1874
Prison Saint-Lazare
Registres d'écrou
D2Y12 75: année 1873
D'une manière générale, les informations notées sur ce registre sont brèves et surtout, difficilement déchiffrables.
Malgré tout, j'ai relevé quelques cas intéressants, dont:
- une jolie FOUGERE, que j'ai prise en photo puisqu'il s'agit de la plante préférée d'Hélène. Comme la plante, on l'imagine grande et élancée puisqu'elle mesure 1m 71, ce qui est plutôt rare à cette époque.
Elle a 41 ans et exerce le métier de couturière; un métier identifié, par les historiens et le sociologues qui se sont intéressés à cette époque, comme faisant partie de ces nombreuses professions "réservées " aux femmes et qui ne permettent pas d'en vivre.
Alors, elle vole.
Comme d'ailleurs la grande majorité des femmes emprisonnées à Saint-Lazare.
Elle est condamnée à une peine de 8 mois d'emprisonnement.
Elle est incarcérée le 25 juin 1873, comme l'indique le registre d'écrou:
Cet emprisonnement fait suite à une condamnation datée du 14 aout....Donc, 14 aout 1872?.
C'est tout du moins ce qu'indique la consigne la concernant, envoyée au directeur de la prison de Saint-Lazare par la prefecture de Police:
Marie Fougère retrouve la liberté le 14 avril 1874:
Registre D2Y12 65: année 1870
Dans les registres qui concernent l'année 1870, je m'attendais à trouver plus de prisonnières pour faits d'armes ou rebellion ou bien encore, pour outrages.
Si l'année 1870 couvre plusieurs registres, les motifs des condamnations restent inchangés. La majorité des prisonnières le sont pour vol.
Pour ce registre qui ne concerne qu'une partie de l'année 1870, j'ai photographié, uniquement, le repertoire . (A noter que chaque registre contient un répertoire alphabétique.)
D2Y12 64: année 1870
-Je me suis arrêtée sur le parcours de Marie Leroux, jeune domestique de 18 ans, qui porte bien son nom, avec "quelques taches de rousseur" sur le visage.
Ses deux autres prénoms sont Hélène et Valérie: bien obligée de m'arrêter sur son cas.
Inculpée pour vol, comme tant d'autres, elle est transférée à l'hôpital, atteinte de la variole.
Elle est admise à l'hôpital de la charité, le 9 avril 1870, pour y être soignée durant son incarcération de 4 mois.
C'est dans ce registre que j'ai trouvé la preuve que certaines de ces femmes se prostituaient.
Il n'y a que la note "fille soumise" , parfois abrégée en "flle sse"
- C'est le cas de Virginie Vielville, condamnée à 3 mois de prison pour "mendicité"
- Dans ce nouveau cas de "fille soumise", je ne parviens pas à déchiffrer le métier de Marie Darozier, condamnée pour vol:
-Pour cette "fille soumise", le métier est lisible. Marie Léonie Veyland est couturière et est incarcérée pour presqu'un mois.
-Qui dit femme, dit enfant, et donc, accouchement.
C'est ce qui est arrivé à Elise Colin, une gantière de 25 ans, qui est incarcérée le 11 mars 1870 pour "coups volontaires", pour une période de 4 mois , durant laquelle elle accouche d'une enfant mort né, 3 mois plus tard.
-Quant à Rosalie Sarrazin, elle est emprisonnée pour 15 jours, pour vagabondage, mais la petite note " fille soumise" permet de comprendre qu'elle a été arrêtée pour prostitution.
Agée de 30 ans, elle est aussi couturière.
-Enfin, une autre "fille soumise", Clémence Lamy, est emprisonnée pour un peu moins d'un mois pour vol. Elle a 21 ans et déclare être fleuriste et la petite note "fille soumise" est apposée sur le registre.
D2Y12 66: année 1871
Le répertoire de ce registre, qui concerne l'année 1871, est incomplet pour la lettre L.
La page a été arrachée sur sa moitié.
J'ai photographié deux cas de prisonnières, incarcérées pour "excitation à la débauche".
Puisque la prison de Saint-Lazare est réputée pour avoir recueilli les prostituées, je m 'attendais à y trouver des motifs d'incarcération en rapport avec leurs activités répréhensibles. Je pensais y trouver des mots clés tels que "mauvaises mœurs" "prostitution" "racolage".
Dans ce registre parcouru rapidement, comme dans les autres documents consultés d'ailleurs, aucun de ces vocables. Ce qui s'en rapprochait le plus était le cas de Marie Pool:
Tout comme celui de Florence Levesque, qui est arrêtée et incarcérée le même jour que Marie Pool.
Je n'ai pas retenu la durée de leur incarcération.
Par contre, Horthense Semenon est incarcérée 6 mois pour coups et blessures:
D2Y12 73: année 1872
J'ai voulu garder la trace d'un emprisonnement de deux mois pour mendicité.
Il s'agit de Sophie Chevillon, une blanchisseuse de 24 ans, encore un de ces métiers qui laisse les femmes dans la misère.
Le cas de Rose Jayé est plus compliqué. Domestique de 35 ans, elle est inculpée de vol et est condamnée à 8 mois de Travaux Forcés.
Enfin, pour ce registre, le cas le plus émouvant, celui de Rose Vernois.
Même si elle exerce le métier de blanchisseuse, même si elle est mariée, deux salaires ne semblent pas suffire à leurs besoins. Alors, Marie Amélie vole, et se fait prendre. Elle est incarcérée pour 4 mois.
Mais qui dit femme dit enfant. Et Marie s'inquiète de son dernier enfant. Elle a déjà , récemment, au mois de mars, perdu son fils prosper. Elle craint de perdre aussi son ainé, Emile.
Alors elle rédige une lettre à l'attention de son mari, lui demandant de venir chercher leur fils. Il est trop âgé pour qu'elle puisse le garder avec elle, et elle craint qu'il ne soit envoyé au "dépôt" ( aux services des enfants assistés j'imagine).
Transcription:
Mon ami,
il faut que tu vien demain
avant midi cherche Emile com
il a plus de 3 ans on ne
peut pas le laisser avec moi
ne manque pas de venir car
on me le metterez au dépot
Tout a toi
Marie Amélie est incarcérée le 2 décembre 1872, pour vol. Le 4 décembre, son père vient chercher son fils. Ce qui confirme qu'il a été incarcéré avec sa mère.
Combien sont-ils, ces enfants incarcérés avec leur mère et comment retrouver leur trace?
C'est dans ce registre que j'ai trouvé mes premières incarcérations pour "lait falsifié".
Marie Maupin est incarcérée pour 1 mois alors que Marie Germon, pour les mêmes faits, écope de deux mois, qu'elle effectue à la "Pistole".