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Prostitution

En questionnant mes grands-parents au sujet de l’origine de mon patronyme, ils m’ont appris qu’il s’agissait du nom porté par mon aïeul abandonné par sa mère, femme de mauvaise vie qui s’adonnait à la prostitution.

 

 

Je décidais d’entreprendre des recherches sur ce sujet.

Je suis donc allée aux archives départementales de la Sarthe de manière à consulter des registres en rapport avec la prostitution.

Si je n’ai rien trouvé sur mon ancêtre, je n’en ai pas moins trouvé des documents intéressants dans le registre 4 M 326, dont je vais tenter de rendre compte ici.

La majeure partie des documents photographiés ne sont pas datés. Mais ils concernent tous une époque située dans la seconde partie du XIXème siècle.

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-Un premier document, « Questions relatives à l’état actuel de la prostitution en France », dresse la liste des questions auxquelles les enquêteurs devaient répondre afin de disposer de données convenables pour faire le point sur ce sujet.

 

« Questions relatives à l’état actuel de la prostitution en France »

1° Quel est l’effectif des prostituées inscrites ?

Néant

2° Quelle est la proportion des malades parmi les femmes ?

Néant

3°Quel est le nombre probable des prostituées non inscrites ?

Saint-Calais : 3

Vibraye : 3

Le Grand-Lucé : 3

Bessé : 5

Total : 14

4° Quel est le nombre des lits ou dispensaires affectés au traitement des femmes infectées de maladies vénériennes ?

Néant

5° Quel est d’après le dernier recensement, l’effectif de la population de chaque ville ?

Saint-Calais : 3648

Vibraye : 2997

Le Grand-Lucé : 2181

Bessé : 2356

Je note la présence de 3 prostituées « non inscrites » dans la ville du Grand-Lucé dans laquelle mon aïeule vivait.

 

-Alors que ce premier document affiche « Néant » face au nombre de prostituées inscrites, un autre document présenté sous forme de tableau intitulé « Statistique », recense le nombre de prostituées dans le département de la Sarthe.

Ainsi, au Mans, dans les années 1876-78, il existait 15 maisons de tolérance dans lesquelles se répartissaient 65 « filles ». 75 autres prostituées étaient comptées parmi les « filles inscrites isolées ». Les « filles libres » étaient estimées à 110.

A Mamers, 4 prostituées exerçaient dans une seule maison de tolérance tandis qu’aucune fille « libre » ou « isolée » n’était comptabilisée.

Même constat à Sablé où 3 prostituées officiaient dans une seule maison de tolérance.

 

-J’ai tenu à photographier une lettre de délation datée du 6 mars 1875

 

Le Mans, le 6 mars 1875

 

Il parait qu’au N°29 de la rue Navarrin au Mans, il existe une procureuse de Jeunes filles et de femmes de tout âges.

Il suffit de déposer un billet portant son nom et son adresse et la femme que l’on désire pour être servie le lendemain.

On place le billet dans le trou de la serrure.

Cela coûte fort cher, parait-il, mais les lubriques de tous sexes y obtiennent pleine satisfaction, car on y trouve des femmes depuis l’âge de 5 ans jusqu’à 50 et au-delà, suivant le gout et le désir des clients.

M. manceau

-Enfin, je me suis arrêtée sur un dernier document, rédigé dans les premières années de 1900, par la direction de la sûreté générale. Sorte de mémento permettant de dresser un état des lieux de la prostitution en France, ce « Questionnaire sur la Prostitution et la Police des mœurs » devait permettre de réaliser la rédaction d’un rapport approfondi sur ce sujet.

 

3 formes de prostitution sont ciblées : la prostitution exercée en maison de tolérance, celle exercée par les femmes soumises libres et la prostitution clandestine. A chacune de ces catégories est attachée une série de questions auxquelles les enquêteurs devaient apporter des réponses.

Voici quelques extraits du document :

Concernant la prostitution exercée dans les maisons de tolérance :

« Valeur-prix de cession-durée moyenne d’exploitation par le même tenancier-Recettes et dépenses des filles-

Sont-elles réellement l’objet d’une exploitation de la part des tenanciers ?

Sont-elles retenues contre leur gré dans les maisons ?

Les incite-t-on à faire des dettes ? Procédés employés pour y parvenir.

Ces dettes s’élèvent-elles, en réalité, à des sommes telles que les filles soient hors d’état de jamais se libérer et ainsi immobilisées dans la maison créancière ?

Les filles réclament-elles parfois ou souvent votre protection contre les créanciers ? A quelle occasion (exigences-mauvais traitements-conflits d’intérêt…) »

Les questions sont nombreuses. J’en relève une dernière :

« Causes de la chute de la femme dans la prostitution- amoralité-abandon par l’amant-sensualité-misère, etc… »

 

Concernant les « filles soumises libres » :

L’enquête à mener est presque identique. Toutefois, les enquêteurs sont chargés de faire connaitre comment se pratique l’inscription ainsi que ce qui a été tenté afin d’éviter le basculement dans la prostitution : « avertissements, conseils, concours de parents, assistance, etc, etc… succès et insuccès de ces tentatives. »

Concernant la prostitution clandestine :

« On a dit que la prostitution clandestine avait pris des développements considérables et qu’elle tendait à se substituer à la prostitution réglementée. »

« Ce qu’il importe de déterminer, c’est la physionomie de la profession soustraite au contrôle sanitaire ; c’est, par conséquent , la catégorie sociale à laquelle appartiennent les insoumises, leur origine, leur moyen d’existence ( prostitution exclusivement, prostitution jointe à une profession manuelle ou autre) ; les modes d’exercice de la profession souvent corrélatifs à la préoccupation d’échapper à l’inscription ( professions apparentes de toutes catégories : parfumerie- confiserie-ganterie- etc, etc…) et les lieux où elle se pratique (magasins ouverts sur la voie publique- à domicile-maisons de rendez-vous- chez des logeurs- dans des cafés et débits de boissons ou locaux annexes à ces débits). »

 

Enfin, à côté de ces formes de prostitution plus ou moins surveillées, la prostitution occasionnelle, pratiquée par des femmes qui voyaient là l’ultime moyen d’obtenir de quoi subvenir pour quelques jours à leurs besoins, restait bien sûr très difficile à évaluer.

 

Si mon aïeule a pu bénéficier d’une si mauvaise réputation, c’est qu’elle devait s’adonner à l’un de ces deux dernières formes de prostitution : clandestine ou occasionnelle.

Et pour que les services sociaux aient statué sur le placement de l’enfant à naitre de sa dernière grossesse, c’est qu’Augustine devait réellement attirer l’attention.

Son cas a dû être signalé aux services sociaux. Des plaintes ont peut-être été déposées contre elle.

Je vais donc retourner aux archives, fouiller les listes de recensement du Grand-Lucé de cette période et les registres d’écrou.

Peut-être aussi devrais-je vérifier qu’aucun autre enfant n’est né avant son premier enfant connu, Prudence, née en 1884.

 

Retour à la misère des femmes, sur les traces d'Augustine

 

Tag(s) : #Misère, célibat, abandon et infanticide., #Généalogie sarthoise
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