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II.A.

Les p'tits foudroyés de Conchette

 

A Jard-sur-mer, le 25 juin 1740 n’est pas une journée ordinaire.

La nuit a été chaude, très chaude ; trop chaude.

Malgré la proximité de l’océan, les habitants du petit village de Jard ont eu bien du mal à trouver le repos cette nuit, recherchant en vain un peu d’air. Aussi, depuis le lever du jour, les enfants du village sont debout ; et ils sont si énervés que Marie demande à Jacquette, sa petite voisine, de venir s’occuper de René. A 6 ans, il est plein d’énergie et ne tient pas en place alors que Marie a encore tant à faire avec ses plus jeunes enfants. Elle sait que Jacquette saura le distraire. Depuis le décès de ses parents, la jeune fille est venue si souvent chercher du réconfort auprès de Marie, qu’elle a pu voir grandir René et s’y attacher comme à son propre frère.

Qu’ils partent donc, tous les deux, ramasser des coquillages sur la plage de Conchette. Marie les y retrouvera plus tard.

Jacquette et René s’empressent de gagner le bord de mer, trop heureux de laisser libre court à leur excitation et de se tremper les pieds en pataugeant dans les flaques stagnantes au creux des rochers. Ils passent en courant devant le moulin de Conchette dont les ailes ne tournent pas.

Sur la plage, ils sont accueillis par une mer plate : pas le moindre souffle de vent pour venir agiter l’océan, bien trop calme. L’air est lourd, moite et chargé d’iode. Tout semble figé, les nuages se sont accumulés silencieusement.  Ils sont noirs et épais.

C’est vers 8h00 que le tonnerre se met à gronder.  Ses coups se font de plus en plus violents, de plus en plus rapprochés.

Marie, qui vient à peine de sortir de chez elle, presse le pas. Au loin, les éclairs zèbrent le ciel.

Il faut à l’orage moins d’un  quart d’heure pour éclater enfin. Finalement, c’est un soulagement.

Lorsque les premières gouttes commencent à marteler le sable, peut-être que Jacquette et René rejettent la tête en arrière en ouvrant grand la bouche afin de recueillir un peu de cette eau douce et presque chaude. A moins qu’insouciants, ils se mettent à courir sous la pluie, tout à la joie de se rafraichir. Ils sont si jeunes encore.

Mais quand les éclairs deviennent plus menaçants, quand le vent se lève aussi soudainement que furieusement, soulevant les premières vagues et des paquets de sable qui fouettent le visage,  Jacquette s’inquiète. Son regard, qu’elle tente d’abriter de ses mains, est attiré par un mouvement qu’elle n’avait pas détecté jusque-là. Ce sont les ailes du moulin qui prennent de la vitesse. Au même instant, les roulements de tambour du tonnerre sont si violents qu’elle croit sentir le sable vibrer sous ses pieds. Les éclairs sont maintenant si proches, que la jeune fille attrape la main du petit René et court en le tirant en direction du moulin. Il pourra bien les protéger de la furie qui se déchaine tout autour d’eux, avec une violence inouïe.

Mais ce 25 juin 1740, Dame Nature s’est faite bien impétueuse et a exigé son tribu.

A 9 heures, la foudre s’est abattue sur le moulin, terrassant les deux enfants.

Marie n’a que le temps de voir une partie du moulin prendre feu, attisé par le souffle chaud du vent, puis s’affaisser.

La suite ressemble à l’enfer.

🔸🔸🔸

Voici , peut-être, la façon dont a débuté cette journée du 25 juin 1740 à Jard sur mer. Elle s’est peut-être déroulée de cette façon ; ou peut être autrement. Aucun témoignage n’est parvenu jusqu’à nous.

Mais ce qui est certain, comme l’attestent les registres paroissiaux de Jard, c’est que le lendemain, 26ème jour du mois de juin 1740, Jacquette et René sont inhumés dans le cimetière de Jard.

 

« Le vingt sixième jour du mois de juin mil sept cent quarante Estés inhumés dans le cimetière de ce lieu les corps de Jacquette Moussion âgée de 13 ans ou environ, et celui de René Lemoine Agé de 6 ans ou environ, lesquels ont été écrasés par le Tonnerre Tombé dans le moulin de la Conchette dans cette paroisse le Vingt-cinquième de ce mois sur les neuf heures du matin… »

Sources : Archives départementales de Vendée- Registre numérisé-AC114 février 1734-Janvier 1744 Vue 72/110

 

Repères:

Vincent Moussion (décédé en 1732) et Marie Lucas (décédée en 1733) ont eu plusieurs enfants dont :

- Catherine, née le 12 juillet 1724

- Jacquette , née le 28 août  1727

- Jean, né le 13 décembre 1730

 

René Lemoine (décédé en 1743) et Marie Verdon (décédée en 1781), mariés le 8 février 1730 ont eu plusieurs enfants dont :

  • Radegonde, née en 1731
  • Marie, née en 1735
  • René, née en 1733
  • Jeanne, née en 1736
  • René, né en 1740 (né après le décès de René)
  • Pierre, né en 1742
Plan de Jard Archives Départementales de Vendée. En ligne. T.A 3 P 114-1. Cadastre Napoléonien- On distingue l'emplacement du Moulin de Conchette en bord de mer.

 

Photo aérienne de Jard-AD 85- En ligne- 79 Fi 35 (1948-1968)

 

Sources: https://www.ville-jardsurmer.fr/exposition-permanente-du-port/ Port et moulin Exposition permanente du port de Jard-sur-Mer réalisée par la Commune en collaboration avec deux associations locales

Association: Passionphotos.

Tag(s) : #Généalogie vendéenne
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