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La misère des femmes

 

Sur les traces d'Augustine

femme célibataire dans la Sarthe du XIXème siècle

 

 

 

La légende familiale

En questionnant mes grands-parents au sujet de l’origine de mon patronyme, ils m’ont appris qu’il s’agissait d’un « nom d’emprunt », donné par les sœurs, lorsqu’elles ont recueilli mon aïeul en 1886.

Abandonné à l’assistance publique, il y aurait grandi puis, placé en nourrice, n’y serait retourné qu’à sa majorité afin d’obtenir des renseignements sur ses origines. La légende familiale veut que les sœurs l’aient découragé dans cette démarche, étayant leurs propos d’arguments tels que la déception qu’il éprouverait en découvrant une « femme de mauvaise vie ». Entendons par « mauvaise vie » qu’il s’agissait d’une femme qui se livrait à la prostitution.

Elles ont rajouté qu’il lui serait inutile de s’accrocher à son patronyme pour tenter de retrouver sa trace. Dans la grande majorité des cas, les noms de familles des enfants abandonnés étaient dus au hasard ou plutôt au bon vouloir des sœurs qui les recueillaient et leur attribuaient prénom et nom au gré du calendrier ou de leur imagination.

Mon arrière-grand-père est donc reparti bredouille, convaincu qu’il ne trouverait plus de renseignements sur celle qui l’avait mis au monde.

Deux générations plus tard, je décidais de reprendre les recherches là où il les avait laissées, dans l’espoir de retrouver la trace de cette aïeule atypique, à qui la légende attribuait une si légère vertu.

 

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Les retrouvailles.

Je l’ai retrouvée dans la petite ville Sarthoise du Grand-Lucé. C’est ici qu’elle a mis au monde ses deux enfants. Son premier, né en 1884, est une fille qui a grandi et est restée vivre à ses côtés. Son second est mon aïeul, Augustin, qui a été déposé à l’hospice du Mans au lendemain de sa naissance en décembre 1886.

Contrairement à ce que j’avais imaginé, la manière dont elle s’est séparée de son nouveau-né n’a rien à voir avec l’abandon sur les marches de l’église ou dans le « tour » de l’hôpital qui rompt généralement tous liens entre la mère et l’enfant.

 

 Vous pouvez lire à ce sujet l’article dédié à l’abandon d’enfant:

http://10ansdemariage.over-blog.com/article-abandon-d-enfants-119537425.html

 

 

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L'assistance à l'enfance

D’ailleurs, il ne s’agit nullement d’un abandon. Bien au contraire, ce sont les services sociaux de l’époque qui lui ont retiré son enfant pour l’amener à l’hospice du Mans. Et c’est une décision préfectorale qui a statué sur le sort de son enfant et son placement en nourrice, le tout, au frais de la municipalité.

 

Vous pouvez lire à ce sujet l’article dédié à l’enfance assistée :

http://10ansdemariage.over-blog.com/2018/10/enfant-assiste-arrete-prefectoral.html 

 

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La misère

Contrairement aux informations recueillies par mon aïeul, son prénom n’est pas le fruit du hasard : il s’appelle Augustin ; elle s’appelait Augustine. Son patronyme non plus, n’est pas un nom d’emprunt ; Augustin porte le même que sa mère. Son nom, son prénom : voilà très certainement les seules richesses qu’Augustine a pu transmettre à son fils avant qu’on ne l’emporte.

Effectivement, une lecture rapide des listes de recensement, m’a permis de découvrir qu’Augustine était issue d’une famille installée dans la misère depuis plusieurs générations. A plusieurs reprises, la grand-mère paternelle d’Augustine est désignée comme « vivant de la charité publique ». Quant à son père, il est désigné comme « indigent ». Décédé prématurément, il laisse sa femme dans la misère avec 3 enfants à charge dont le dernier, Augustine, a à peine 2 ans.

 

Vous pouvez lire à ce sujet l’article dédié à la mendicité:

http://10ansdemariage.over-blog.com/2018/11/mendicite.html 

 

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L'infanticide

En poursuivant ma quête, j’ai découvert qu’Augustine avait été assistée d’une sage-femme , lors de son accouchement, comme les autres « filles-mères » qui résidaient au Grand-Lucé à cette époque.  Surveillée plus que toute autre mère, comme la loi l’exigeait, afin de limiter les infanticides.

 

Vous pouvez lire à ce sujet l’article dédié à l’infanticide : 

http://10ansdemariage.over-blog.com/2018/09/infanticide.html

 

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La prostitution

 

Maintenant que je connaissais l’origine de mon nom de famille, il me restait encore à élucider les raisons pour lesquelles mon aïeule avait pu laisser en héritage (malgré la rupture) cette réputation de « prostituée » plus ou moins camouflée sous les termes de « fille de mauvaise vie ». J’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’une réputation injustifiée et que le simple fait d’avoir « fauté », à plusieurs reprises, sans être mariée, lui avait valu cette étiquette. Malgré tout, en feuilletant la thèse de M. J. Termeau : Les prostituées et la vénalité sexuelle dans le centre-ouest de la France, thèse de doctorat, Tours, 1985, j’ai appris qu’il existait plusieurs formes de prostitution. L’une d’entre elles, la « prostitution occasionnelle », était exercée par les femmes qui, dans la misère, se donnaient pour quelques sous leur permettant de subsister.

Le doute s’est alors implanté. Et si cette qualification de « prostituée » était justifiée ?

Mon aïeule a-t-elle dû recourir à la prostitution afin de subvenir à ses besoins ? 

Son profil social correspond en tout point à celui des femmes dont M.J. Termeau dresse le portrait.

 

 

Vous pouvez lire à ce sujet l’article dédié à la prostitution:

http://10ansdemariage.over-blog.com/2018/11/prostitution-dans-la-sarthe-au-xixeme-siecle.html

 

 

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J’ai pensé que pour que les services sociaux interviennent auprès d’Augustine, il avait fallu que son cas leur soit signalé. J’ai donc entrepris de rechercher des documents qui apporteraient la certitude qu’elle s’adonnait à la prostitution occasionnelle, à la mendicité, ou toute autre activité ayant occasionné une plainte des voisins, un signalement quelconque aux autorités…

 

 

Pour l'instant, je n'ai déniché aucun document la concernant à ce sujet ( décembre 2024).

 

Tag(s) : #Misère, célibat, abandon et infanticide., #Généalogie sarthoise
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