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Sommaire:

1.Le médaillon

2.L'histoire de Jeanne et Robert

3.Un peu plus sur Jeanne et Robert

4.Transmission

5.Lectures ou écoutes sur ce thème:

6.L'exhumation et le rapatriement des corps des soldats durant la guerre de 1870

7.Le livre

 

 

 

1.Le médaillon

Au mois d’août dernier, j’ai été contactée par ma marraine, Madine,  qui souhaitait me rencontrer. Vivants tous éloignés les uns des autres, mes parents se sont mis de la partie afin que nous puissions nous réunir chez eux. Lors de ces retrouvailles, Madine m’a confié, ou plutôt m’a transmis, un bijou. Il s’agit d’un pendentif, en émail, réalisé par un émailleur de Limoges, Charles Peltant. Elle tient ce bijou de sa propre mère, Marie, qui l’a chargée d’en prendre grand soin et, lorsqu’elle sentirait le moment venu, de le céder à son tour ainsi que l’histoire qui l’accompagne.

Ainsi, presque 60 années plus tard, ce pendentif a été déposé au creux de mes mains, tandis que Madine me racontait l’histoire de Jeanne et Robert après avoir précisé:

 

"Je te confie à mon tour ce précieux objet à double titre :

1° tu es la petite fille de Pierre pour qui Jeannette avait tant d’admiration

Et

2° pour ton attachement à l’histoire familiale.

 

 

2.L'histoire de Jeanne et Robert

 

« En 1939, Jeanne et Marie sont deux amies que la différence d’âge ne dérange pas.Elles habitent la même ville et partagent de nombreux moments ensemble.

Marie est beaucoup plus âgée et, mariée depuis longtemps,  a plusieurs enfants dont l'aîné a tout juste une dizaine d'années de moins que Jeanne. Jeanne est fraîchement fiancée à Robert Roulet.

Leur principal point commun est l’amitié qui lie les deux garçons dont elles sont mère ou tutrice. En effet, Pierre, le fils de Marie, est très attaché au jeune homme dont Jeanne a la charge. 

Lors de la déclaration de guerre, Robert est affecté au 26ème dépôt de cavalerie. Et le 10 juin 1940, il décède lors des bombardements dans la Marne.

Jeanne est désespérée de ne pouvoir se recueillir sur la tombe de son fiancé, qui a été enterré sur le lieu même du bombardement, enroulé dans sa toile de tente. Désormais, les Allemands occupent les lieux et rapatrier le corps n’est pas la préoccupation première des autorités.

Alors Marie, avec l’aide de plusieurs amis, entreprend d'aller rechercher la dépouille de Robert pour  la ramener dans le cimetière de la ville, dans le caveau familial. Un périple nocturne, nécessitant la complicité de nombreuses personnes, celles des Allemands qui ont laissé leur "convoi " circuler, ou encore, celle du marbrier qui était là pour desceller la pierre du caveau familial.

C'est pour remercier Marie de lui permettre de se recueillir sur la tombe de son tendre et cher que Jeanne lui a offert ce pendentif.

Marie l'a précieusement conservé jusqu'aux 25 ans de sa fille Madine. Elle l'a à son tour chargée d'en prendre grand soin, de le conserver puis de le transmettre  afin que l'histoire de ce bijou survive à celle, bien trop courte, de Jeanne et Robert. 

 

 

3.Un peu plus sur Jeanne et Robert

 

C'était il y a longtemps, et pourtant, Jeanne et Robert sont toujours là. En fouillant "la Toile", j'ai découvert les mémoires de Raymond Gleize et de sa femme Marie-Françoise.

Parfaitement documentés, ils narrent leur séparation durant la seconde guerre mondiale. 

Il semble que Raymond ait été un ami proche de Robert. Assez proche pour le citer sur plusieurs photos ainsi que pour parler de son décès et de ses circonstances qui l'ont profondément touché:

" 10 juin à 19 heures, mon ami le maréchal des logis Robert Roulet est tué près de moi par une bombe"

 

 

Photo conservé par Raymond Gleize. Mise en ligne sur le site www.gleize.net

 

 

Les photos suivantes ont été mises en ligne par les descendants de Raymond Gleize.

 

 

 

Voici  l'adresse du site de la famille Gleize: http://www.gleize.net/

 

De son côté, Marie-Françoise Gleize semble avoir très bien connu Jeanne:

"Mon mari était toujours à Epernay, considéré comme zone militaire, mais j'ai pu obtenir un laissez-passer pour aller le voir.

(...)J'ai pu ainsi aller à Epernay presque chaque week-end pendant plusieurs mois.

(...) Je rencontrais d'autres femmes de mobilisés: la femme de Robert Roulet ( qui fut tué à côté de mon mari)... "

 

 

 

 

4.Transmission

 

Me voici donc avec la mission de faire vivre cette histoire. 

La garder pour moi me semble risqué. Mon cerveau va dans tous les sens et la faucheuse me talonne depuis déjà 6 ans. Et je sais comme elle peut courir vite. Je n'imagine donc pas pouvoir être dépositaire de cette histoire pour la transmettre  à mes petits enfants. Tout cela est trop loin, trop incertain.

Je dois  la transmettre rapidement mais sans savoir à qui.

D'un autre côté, je suis tellement flattée d'avoir été "choisie" par Madine pour  transmettre cette histoire que je ressens l'obligation de lui prouver que je m'acquitterai de cette mission avec toute l'attention qu'elle mérite. Et là aussi, j'ai bien peur de ne pas avoir le temps pour moi.

Alors, quoi de plus approprié  qu' un livre, documenté ou romancé, qu'importe, mais un texte. Parce que les écrits restent et  circulent plus fidèlement que les mots. 

Un écrit, illustré , mettant en valeur le médaillon, le visage de Robert, celui de Jeanne si je le retrouve....

Un écrit que je pourrais offrir en retour à Madine...

C'est parti!

 

Mais il me faut de quoi alimenter cette histoire. J'ai commencé à me documenter, à lire sur le sujet et je vais noter ici des extraits de mes lectures qui me permettront d'étoffer un peu cette brève histoire.

5.Lectures ou écoutes sur ce thème:

La guerre sépare ceux qui s'aiment de Dominique Missika

Dominique Missika - .

Le départ:

" Elles sont des millions à accompagner l"élu de leur coeur jusqu'à la gare.  Parfois, avant le départ, toute la famille se rend chez le photographe pour immortaliser l'instant.  Le moment de la séparation approche , et un cortège de robes claires, comme autant de gerbes de fleurs, accompagne l'appelé à la gare ou à son centre de mobilisation."

 

"Les hommes au front qui ne se battent pas, les femmes à l'arrière qui se battent pour vivre. Comment avoir des nouvelles ? Le courrier revêt une dimension quasi vitale.....malgré tout, seuls les cartes postales, les billets, les lettres permettent de communiquer avec l'être aimé."

" L'absence de l'être aimé renforce l'amour: combien de jeunes filles sacrifient-elles  leur avenir parce qu'elles sont assoiffées de romanesque? Elles aiment des garçons qui sont au front, qu'elles idéalisent faute d'avoir eu le temps de les connaître. "

"Permission: mot magique! La plupart des heureux bénéficiaires demeurent chez eux ou chez leurs parents, et goûtent le plaisir des retrouvailles."

 

"Dans l'ignorance du sort qui les attend, les fiancées, les femmes, les amoureuses rusent pour rendre visite à leurs hommes. Mais elles sont beaucoup trop nombreuses aux yeux du commandement, que les visites abusives d'épouses ou de fiancées dans la zone des armées agacent . En février 1940, la général Billotte fait vérifer dans tous les hôtels de lille les titres de séjour des voyageuses et refoule toutes celles qui sont en situation irrégulière. Les femmes des réservistes, les plus débrouillardes, déploient  une énergie inouïe pour arriver à leurs fins.(...)Des complicités s'établissent, des filières s'organisent. L'armée ne sait plus  comment gérer ces visites impromptues."

"Autant dire que , dans cette ambiance morose, le 10 mai 1840, la surprise est totale. Ce jour-là, Hitler lance une offensive générale à l'ouest. Une guerre "éclair", aérienne et terrestre, balaie en 6 semaines les armées françaises. Grondements des Panzers, sirènes des Stukas. C'est la débâcle."

" Votre mari a été fusillé." Comment le croire ? et le corps ? Et ses affaires ? Où est-il enterré? Chaque femme, chaque compagne se pose les  mêmes  questions. Qui leur répond ?

Quelles traces laissent-ils ? 

Ils laissent derrière eux des fiancées qui les pleurent en silence, firères d'eux et seules désormais.

Pour se consoler, elles conservent pieusement le souvenir de leur  dernier baiser, du dernier message."

On regrettera plus tard d'Agnès Ledig

On regrettera plus tard

"...et un grand nombre d'entre eux ne sont jamais revenus. Encore, quand les familles savaient ce qui leur était arrivé, elles pouvaient faire le deuil, mais il y avait tous ceux dont on n'a jamais eu de nouvelles...Elle ne pouvait pas se permettre de l'oublier , de vivre une autre histoire avec un autre homme sans savoir si le sien reviendrait un jour  ou non. Tu sais, c'est comme les marins, tant qu'on n' a pas le corps...Certains sont rentrés des années après la guerre sans qu'in comprenne vraiment pourquoi ils avaient mis si longtemps."

 

Au revoir là-haut de Pierre Lemaître

Que faire de nos morts?

La fabrique de l'histoire, par Emmanuel Laurentin, émission de France Culture en 4 épisodes

https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhistoire/que-faire-de-nos-morts-14-lart-et-la-mort-une-histoire-de-sensibilites

 

Un long dimanche de fiançailles, de Sébastien Japrisot

Un long dimanche de fiançailles

à écouter ici:

https://www.franceculture.fr/emissions/fictions-le-feuilleton/un-long-dimanche-de-fiancailles-de-sebastien-japrisot-110-le-sergent-esperance

 

6.L'exhumation et le rapatriement des corps des soldats durant la guerre de 1870

¨Première partie du "futur livre" 

Longtemps, les simples soldats morts sur les champs de bataille n’eurent pour dernière demeure que les fosses communes. Et encore. Nombreux sont les soldats qui furent inhumés par leurs compagnons d’armes à quelques pas du lieu des hostilités.

Lors de la guerre de 1870, de nombreuses familles n’eurent d’autres désirs que de ramener le corps de leur parent mort au feu pour l’inhumer dans le cimetière communal. Elles n’hésitèrent pas à surmonter bien des épreuves et encore moins à braver les interdictions mises en place par l’armée.

Charles Morancé était l’aumônier du 33ème régiment de Mobiles Sarthois. Chargé d’accompagner ces jeunes soldats dans jusqu’à leur dernier souffle, il relate avec beaucoup d’empathie le désir des familles endeuillée par la guerre de retrouver la dépouille de leur proche. Comme par exemple ce père d’un mobile de la 7ème compagnie, qui, dès novembre, alors que les combats font rage autour d’Orléans, fait le déplacement afin de rapatrier le corps de son fils, Alexandre Massot, originaire du Grand-Lucé dans la Sarthe et tué à Coulmiers près d’Orléans. Sur les indications de ses compagnons, l’emplacement de la sépulture fut localisée et l’exhumation put se faire.

« Par un heureux effet du hasard, auprès du corps de ce jeune homme était placé celui d’un compatriote, son ami d’enfance ! Unis pendant leur vie, frappés au même instant par la mort, ils ne devaient pas être séparés dans la tombe » ch Morancé

Les deux dépouilles sont déposées dans une voiture, et, soigneusement cachés à tous les regards, ils traversent le village pour prendre la direction de la Sarthe.

Mais pour de trop nombreuses familles, les recherches des dépouilles restent infructueuses.

Ainsi, un oncle et son neveu avaient tous deux été incorporés dans le 2ème bataillon de la 4ème compagnie du 33ème régiment de Mobiles. L’aîné s’était engagé afin d’accompagner et veiller sur le plus jeune. Il avait déclaré :

« Si Dieu permettait qu’il fut frappé, je le mettrais sur mes épaules et le rapporterais à sa mère »

Malheureusement, son protégé fut mortellement blessé lors d’une bataille. Tous les efforts pour retrouver son corps furent infructueux. Pendant l’armistice, muni d’un laisser-passer, l’oncle était venu autour de Beaugency pour chercher son corps et le rendre à sa famille. Il visita toutes les ambulances, tous les registres de l’Etat civil. Aucun renseignement, aucune donnée probable sur le lieu où reposait sa dépouille ne permit de retrouver le corps de son protégé.

 

L’abbé Crochard, qui a laissé un témoignage des invasions d’Orléans, dépeint des scènes terribles auxquelles il dut participer afin d’assister les familles dans leur recherche de l’être cher disparu lors des combats :

« Après nos batailles, de tous les coins de la France envahie ou non envahie, nous vîmes des hommes et des femmes en deuil accourir au milieu de nous et braver la rigueur du froid et la présence cruelle d’un ennemi sans cœur, pour découvrir ceux des leurs qu’une balle prussienne ou bien la mort avaient frappés. C’était un père, une mère, un frère, une sœur qui cherchaient un fils, un frère avec la poignante incertitude du sort terrible que l’ennemi pouvait leur avoir fait. Ils allaient  de champ de bataille  en champ de bataille, de ville en ville, scrutant , dans les cimetières ou dans les plaines avoisinant chaque lieu témoin d’un grand combat le moindre tertre, où la  terre, récemment remuée et surmontée d’une croix de bois grossier, trahissait la sépulture  d’un soldat français ; ils parcouraient d’un regard avide et anxieux, les listes des ambulances ; quand un nom aimé s’y rencontrait , ils allaient de lit en lit, pour reconnaitre celui qu’on recherchait ; ils interrogeaient les prêtres  et les infirmiers qui avaient administré les blessés ou relevé les morts au lendemain de la lutte. Quand les listes ou les hommes n’avaient rien livré, quand du sol de la captivité rien n’était venu, c’était à la terre muette et inanimée qu’on tentait, en désespoir de cause, d’arracher son redoutable secret, le dernier mot d’un douteuse existence. Et alors, spectacle cruel et déchirant ! On voyait des mères désolées, des sœurs délicates, provoquer une inhumation, y assister avec cette force d’âme, dont la femme seule a le secret : fortis ut mors dilectio ! Sur le bord d’une fosse commune et béante, elles suivaient d’un œil impassible en apparence, le fossoyeur découvrant  et retournant les cadavres entassés l’un sur l’autre, et, quand l’un deux leur rappelait l’être qu’elles pleuraient, dominant la sensibilité de leur cœur en redoublant d’attention, elles se rapprochaient pour découvrir , sous ces restes déformés, hideux et fétides, le moindre indice propre  à leur faire reconnaitre  celui qu’elles voulaient posséder mort, alors qu’elles acquéraient enfin la conviction qu’il n’était plus vivant »

Afin que de telles scènes ne se reproduisent plus, et que les plaintes des familles réclamant les corps ne se multiplient pas, le gouvernement décida dès lors de légiférer l'inhumation des soldats morts au combat.

 

 

7.Le livre

Voilà, le livre est terminé. J'ai envoyé le texte à deux amies. J'attends leur relecture et leurs corrections pour y mettre une dernière touche avant de l'envoyer à l'imprimerie numérique "The book edition". Nous travaillons à la couverture en tentant d'y placer le médaillon.

Quant au titre, le plus simple est le mieux. Ce sera:

"Le médaillon de Jeanne"

 

Et voilà....

 

 

 

Tag(s) : #La faiseuse d'histoires
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